Charles dévoile aujourd’hui pour Mobile en Ville ses envies, ses craintes et son parcours après la perte de son bras gauche. Sourire aux lèvres, Charles parle sans complexe de son handicap. Et il a bien raison !
Dis-nous un peu qui tu es.
Je m’appelle Charles Asselineau, j’ai 23 ans et depuis bientôt 6 ans je suis amputé du bras gauche. Je suis très bien entouré, je suis heureux et vis de ma passion, la cuisine.
Pourrais-tu nous dire d’où provient ton handicap (naissance, accident…)?
Un accident de scooter quand j’avais 17ans. Petite route de campagne j’ai frôlé (d’un peu trop près du coup) un camion qui passait.
A-t-il été très dur pour toi ou ton entourage d’accepter ton handicap ?
Après c’était un peu bizarre. En fait, pendant l’accident je n’ai pas perdu connaissance donc je savais pourquoi j’étais là. Je me suis réveillé avec un gros bandage et j’avais l’impression de sentir ma main mais malheureusement le médecin m’a dit qu’ils n’avaient pas réussi. J’ai dû réfléchir et pleurer pendant 7h et puis je me suis dit « allez il reste beaucoup de choses à vivre avec 1 ou 2 bras ! ».
Pour ma famille c’était plus compliqué que pour moi, j’ai 4 frères et sœurs géniaux et je me souviens que mon frère jumeau comme un miroir, pliait son bras gauche derrière son dos inconsciemment en me regardant. Mais ça va tout le monde l’accepte et me soutient.
Pourquoi la cuisine ?
Une passion. Tout simplement. Depuis que j’ai 5 ans, c’est dans mes gènes et je ne me voyais vraiment pas faire autre chose.
A-t-il été difficile pour toi de trouver une école agréée pour personnes handicapées ?
Une école non mais c’est arrivé quelque temps avant que je passe mon bac professionnel. Mes professeurs voulaient me faire redoubler mais je me suis battu. Ils ne croyaient pas en moi et je leur ai bien prouvé le contraire, j’ai trouvé une alternance et j’ai obtenu mon bac. Sans redoubler!
Portes-tu une prothèse dans ta vie quotidienne ? Si oui, as-tu reçu une aide quelconque pour l’acheter ?
J’ai une prothèse très perfectionnée électrique pour travailler. Après j’ai aussi une prothèse esthétique mais je ne la porte pas. Pour moi c’est faire semblant d’avoir deux bras, et ce n’est pas le cas. Mais je comprends que moralement pour certains c’est une invention indispensable. Vous rigolez ? Aucune aide, à 100 000€ la prothèse ça fait mal.
Vous ne recevez aucune aide de l’état même pour vos dépenses médicales ?
Même pas ! J’ai dû attendre le procès de mon accident pour recevoir quelque chose. C’est comme la carte handicapée, elle expire tous les 3 ans. Enfin sérieux ? Quand je suis retourné chez le médecin, elle a écrit « Le bras gauche de Charles n’a toujours pas repoussé ». Ça me fait rire.
Ta plus grande déception ?
Je ne sais pas, de mon parcours personnel aucune. Mais sûrement l’éducation qu’on donne aux gens par rapport au handicap. Les enfants sont très innocents mais les parents ne savent pas leur expliquer. Vous voyez le «montre pas le monsieur du doigt » ? Et après rien, alors que c’est si simple.
Au cinéma français, nous voyons très souvent des acteurs valides jouer le rôle d’un handicapé. Qu’en penses-tu ?
C’est nul. Je pense que c’est pour pas choquer au final, le spectateur se dit « mais non c’est le film il va bien ». En fait pas du tout, je pense que c’est mieux de prendre quelqu’un qui connait nos sentiments. Dans « De rouille et d’os » par exemple, Marion Cotillard joue très bien mais moi je connais et il y a des expressions qui ne trompent pas.
Je crois savoir que tu viens de t’acheter un appartement. Dans ta vie de tous les jours y’a-t-il des aménagements nécessaires ? Ou des choses que tu ne peux pas faire tout seul chez toi ?
Non pas trop. On vous propose toujours des trucs mais au final on devrait nous apprendre avant, à faire les choses sans outils. Moi je fais mes lacets et je boutonne ma chemise rapidement et avec une main.
Ton bras c’est une force ou une faiblesse ?
Une force ! Sans hésitation.
Tu te vois où dans 10 ans ?
J’ai déjà atteint beaucoup de mes objectifs, le permis, j’ai mon appart, un travail que j’aime. Mais ce qui me manque c’est mon propre restaurant. Alors dans 10 ans je serai très loin avec mon restaurant.
Le regard des autres ça te dérange ?
Non je m’en fiche. Je comprends que ça intrigue même si, oui bien sûr, j’ai déjà été gêné.
Une anecdote à nous partager ?
Un jour sur la plage mes potes jouaient au volley, on m’a dit « mais Charles tu peux pas jouer ».
Maintenant ils me veulent tous dans leur équipe.
Des projets ?
Ça fait 5 ans qu’on me propose de faire TOP CHEF, mais j’hésite. Je pense qu’ils viennent me chercher pour faire du buzz mais moi si je le fais, c’est pour montrer aux personnes atteintes d’un handicap que tout est possible.
Une phrase fétiche ?
« Les petites faiblesses de l’homme peuvent parfois être leurs plus grands atouts».